Pied de la montagne, repère des artistes

Domilion arriva enfin au centres de arts après un longue marche nocturne. Il avait eu un peu froid, ses vêtements ayant gardé une légère humidité dans son dos, et il s'assit lourdement sur la terrasse d'une taverne charmante où plusieurs poètes scandaient avec éloquence leurs poèmes. Une des bonnes de la tavernière, qui était une ses anciennes orphelines reconnu Domilion et fut soulagé ainsi que surprise de le trouver là aussi tard avec les lèvres légèrement bleutées par le froid. Lorsque sa monture était venu ici plus tôt, seule, l'inquiétude avait rapidement traversé le coeur de tout ceux qui le connaissait et dont il avait été pour la plupart mentor, professeur artistique ou encore père adoptif à cause de son orphelinat. Rapidement, elle lui mit affectueusement une couverture sur les épaules et celui-ci lui sourit paternellement. La jeune femme s'assit face à lui, lui versant une tisane chaude sachant qu'il n'aimait pas l'alcool en général, et lui dit:

-Monsieur Solstis! Que d'étonnements de vous voir ici aussi tard le soir! Vous est-il arrivé quelque chose sur la route?

Celui-ci réfléchi un bon moment puis dit à la demoiselle.

- Le hasard m'a simplement joué un tour rien de bien méchant ne vous inquiétez pas.

Il lui sourit avec grande douceur et lui dit finalement.

-Retourne travailler Amah. Je ne voudrais pas que tu délaisses ton emploi et cours la malchance de le perdre. Allez, va. Je suis en sécurité et tout va bien.

Puis lui tenant légèrement la main avec un sourire apaisant il la regarda se lever et retourner au travail docilement. Il n'avait jamais été sévère avec ses enfants et ceux-ci ne lui avait jamais désobéi même s'il ne faisait jamais de réels ordres mais plutôt de judicieux conseils.


Après s'être réchauffé, un de ses élèves de chant vînt lui demander de jouer de la harpe et de chanter pour eux. Il lui sourit admirant le fort jeune homme que l'enfant fragile qu'il avait éduqué était devenu. Se levant doucement il prit la harpe qu'on lui tendit et s'assit sur la fontaine principale regardant l'auditoire un doux sourire aux lèvres. Il chercha dans sa mémoire le souvenir le plus inspirant de l'instant et se rappela d'Helena Maltoë, une muse de son passé.

-Le violon de la comtesse.

Son visage prenant une expression légèrement plus triste il commença les vers que tout ses élèves connaissaient bien.


Fermant les yeux il continua la chanson.

Son visage pris une plus grande intensité se plongeant lui même dans sa mémoire et ravivant les douloureux sentiments qui donnait un tonalité à la chanson.

Puis il joua et chanta un peu plus rapidement laissant aller légèrement son ancienne douleur dans l'intonation de sa voix mais il ne faussait aucunement tout était très bien calibré.






Puis refermant les yeux un moment et les ouvrants de nouveau en ayant retrouvé son expression détendu il redonna la harpe à son apprenti et salua sans vanité la foule avant de retourner s'asseoir doucement à une table pour chercher dans la foule une nouvelle muse afin de créer d'autres merveilles.

Une voix calme, aussi calme que celle de Leïlindel, se fit entendre dans la nuit. Toujours agenouillée, rangeant sans se presser son instrument, la jeune femme ne se retourna pas immédiatement. Elle avait été plus ou moins surprise de savoir que quelqu'un l'avait rejointe. Pourquoi? Eh bien tout simplement parce que les endroits où la solitude était assurée n'existaient pas vraiment en ce monde, bien que la plupart des gens pensaient le contraire. Par exemple, s'ils s'enfermaient dans leur demeure, ils croyaient tous ne pas être dérangés et pouvoir rester seuls. Erreur. N'importe quoi pouvait arriver, n'importe qui pouvait réussir à s'immiscer où il le désirait s'il le voulait vraiment. Mais bon, ça, c'était une toute autre histoire, et de toute façon, la Ondine ne se sentait pas dérangée par la présence du musicien.

Lorsqu'elle eut terminé de ranger son instrument, la jeune femme se releva avec légèreté pour faire face à son interlocuteur. Elle lui souriait doucement, de ce sourire apaisant et serein qui la caractérisait si bien.

-En effet, mon professeur était excellent. Tout le mérite lui revient, répondit-elle.

Puis, il posa une question qui troubla légèrement Leïlindel. Elle se savait Ondine, il n'y avait pas de doute là-dessus. Les quelques écailles sur sa jambe, ses oreilles un peu plus pointues que la moyenne et le reflet que sa peau avait sous la lumière, que ce soit celle du soleil ou de la lune, ne laissait présager aucun doute là-dessus. Mais...venait-elle exactement de là? Après tout, il n'était pas impossible qu'elle ait été élevée ailleurs. Si seulement elle arrivait à se souvenir. Mais non, elle ne se rappellait de rien. Elle avait tout oublié sans exception.

Elle posa son regard bleu profond dans ceux du jeune homme et lui dit, en souriant toujours malgré l'effet que la question avait eu sur elle:

-Je ne suis pas venue très souvent. Quant à votre autre question... Pour être honnête, je suis dans l'incapacité de vous répondre.
Leïlindel sourit en coin et dévia habilement le sujet.

-Vous semblez assez populaire par ici, à ce que j'ai pu constater il y a quelques minutes de cela, commenta-t-elle.

Continuant de marcher à ses côtés, Leïlindel, après avoir posé sa question, regarda quelques secondes devant elle, puis reposa son attention sur Domilion, qui la fixait à présent avec un large sourire et lui parlait avec un enthousiasme visible. Elle l'écouta attentivement, portant un intérêt non feint à ses paroles. Si la Ondine aimait plus ou moins parler et ne le faisait qu'à petites doses, elle aimait beaucoup écouter, elle trouvait cela bien plus enrichissant.

Elle ne fut pas choquée qu'il lui dise qu'il n'avait fait qu'admirer sa beauté et celle de sa race, simplement un peu gênée et même quelque peu déconcertée. Se tenant dans l'ombre et se cachant sous sa cape la plupart du temps, elle n'était pas habituée à être considérée comme un sujet d'observation intéressant et encore moins qu'on la qualifie de jolie. Leïlindel n'avait jamais porté une grande attention à son apparence physique, en fait, cela n'avait pas d'importance pour elle.

Tout en continuant de l'écouter, elle hocha la tête en souriant doucement, sans l'interrompre. Alors il était un artiste. Ce n'était pas très étonnant pour Leïlindel, surtout pas après l'avoir entendu joué de la harpe et chanter. Personnellement, la Ondine de ne considérait pas comme une artiste. Certes, elle jouait du violon, chantait et écrivait un peu de paroles, mais ce n'était qu'un passe-temps. En fait, elle n'aurait jamais pensé à toucher à un instrument de musique sans l'apparition de ce vieillard dans sa vie. Elle poursuivait son art pour lui.

Il est facile de jouer des mélodies qui viennent du coeur lorsqu'on ne le fait que pour soi et pas pour les autres, répondit Leïlindel quand son interlocuteur lui dit qu'elle devait avoir plus de courage que bien des artistes parce que l'air qu'elle avait joué semblait avoir été inspiré par quelque chose de profondément ancré en elle.

Lorsqu'il s'arrêta, elle fit de même, constatant qu'ils étaient arrivés dans l'auberge. Quelques regards curieux et même certains admiratifs s'étaient posés sur elle. Ce devait être normal puisqu'on ne l'avait jamais vue ici et qu'elle était d'une race qui venait d'un autre coin d'Andarielle.

Son interlocuteur se présenta alors. Il se nommait Domilion Solstis et disait appartenir à la race des Gaëliens. Une lueur d'interrogation apparut dans le regard de Leïlindel, mais cette dernière n'eut même pas eu le temps de poser sa question qu'il y répondait déjà, comme s'il l'avait clairement lue dans ses yeux.

-Oui, j'en avais entendu parler, mais je n'étais plus certaine si ce fait était véridique ou non... Enchantée, Domilion, je suis Leïlindel Stzen, se présenta-t-elle à son tour, souriant toujours avec douceur.

Elle se retourna un instant, se sentant un peu observée. Ceux qui la regardaient quelques secondes auparvant détournèrent la tête juste au moment où elle posait leur regard sur eux. Étrange. Enfin, elle se contenta de leur sourire gentiment, puis reposa son attention sur Domilion.

-Vous disiez tout à l'heure que vous faisiez aussi de l'art visuel... Vous exposez?,demanda-t-elle, intéressée.

Même si elle ne croyait pas être une artiste, Leïlindel s'intéressait beaucoup à l'art sous toutes ses formes. Elle était une observatrice, elle prenait la peine d'admirer la plupart des choses qui se dressaient sur son chemin. Un coucher de soleil, un enfant qui courait, une petite maisonnette, tout. Elle admirait ceux qui parvenaient à transmettre la beauté d'un objet ou d'un moment sur une simple toile ou encore une sculpture.

Domilion s'assit à une table et demanda un plat de fruit et de viande avec du pain pour se rassasier après son breuvage chaud. Invitant de la main avec grâce Lëilindel à s'asseoir comme bon lui semble, il entâma lentement le pain en réfléchissant un moment.

-En général je n'expose pas mais je vends mes oeuvres pour financer mon orphelinat.

Il sourit en pensant aux frimousses des enfants qu'il prenait sous son aile et à qui il donnait une meilleure optique de vie que la rue.

-Je garde cependant une oeuvre de toute mes muses et souvent ma préféré en souvenir puisque..vous savez. Vous et moi, nous vivons longtemps comparé à un andarien. J'ai pu voir de mes précédentes muses passer de petite fille à grand-mère pourtant je dois avouer que malgrer l'âge la beauté du regard reste toujours la même. Alors je garde un souvenirs de chaques puisque cette beautée physique est parfois si éphémère.

Il croqua un fruit réfléchissant toujours ses pensées voguant doucement dans ses anciens souvenirs.

-Il y a à cette auberge une peinture de moi si je me souviens bien.

Il se redressa lentement sur sa chaise et regarda les peintures autour de lui. Puis en pointa une au mur d'une femme Gaëlienne qui cueillait des fleurs avec un sourire en coin.

-Elle a été une de mes orphelines et je l'ai gardé avec moi à ma maison quelques annés car elle voulait apprendre à faire des pigments de peinture à partir des plantes et cultiver la terre.

Puisque Domilion l'invitait à le rejoindre à la table, Leïlindel vint s'asseoir en face de lui, ce qu'elle n'aurait pas fait s'il ne lui avait pas fait signe de venir. Elle n'aimait pas imposer sa présence aux gens, c'était probablement pourquoi elle se montrait toujours si discrète.

Elle hocha la tête à ses paroles, puis l'écouta avec attention. En effet, lui et elle vivaient beaucoup plus longtemps que les Andariens. Elle ne savait pas exactement l'âge qu'elle avait, mais elle savait qu'elle avait largement passé les cent printemps, même si cela semblait surprenant lorsqu'on la voyait, puis que son apparence était celle d'une femme d'environ une vingtaine d'années.

Elle hocha la tête doucement et l'observa en train de réfléchir. Le voir ainsi pensif la fit légèrement sourire. Elle se demandait à quoi il pouvait bien penser. Elle se le demandait, mais elle ne désirait pas le savoir. Elle considérait les pensées comme quelque chose de très personnel, tout comme les souvenirs. Ah, les souvenirs... Si seulement elle en avait. Certes, elle se rappellait parfaitement de la période passée auprès de Helisis, mais le reste de sa propre existence lui était inconnu. Mais elle allait bien finir par éclaircir le mystère qui voilait son passé. Elle allait y arriver, elle en était certaine.

Domilion pointa alors une peinture. Leïlindel pivota vers celle-ci tout en l'écoutant, et lorsqu'il eut finit, elle hocha la tête, se leva tranquillement et s'approcha de la toile. Avec intérêt, elle la regarda longuement, son regard admiratif prenant un étrange éclat argenté et sa peau semblant plus bleutée qu'à l'habitude à cause de l'angle de la lumière. La Ondine détailla chaque recoin de la peinture en silence, appréciant les différents effets peints par Domilion.

Elle fronça alors les sourcils. L'endroit représenté sur la peinture lui rappellait vaguement quelque chose. Silencieuse, elle tenta de fouiller sa mémoire pour savoir où elle avait bien pu l'apercevoir auparavant. Blocage. Leïlindel soupira, puis continua à regarder la toile en tentant de ne pas y penser. Un sourire finit par éclaircir son visage. Elle pivota vers l'artiste et revint s'asseoir à la table.

-C'est vraiment très réussi. J'adore la façon dont vous avez utilisé les couleurs. Et votre choix de muse était excellent, cette jeune femme dégage quelque chose de particulier, non seulement par son regard, mais également pas son sourire dit-elle avec sincérité.

Elle lui sourit.

-Vous semblez très attaché à vos orphelins, ils ont de la chance que quelqu'un comme vous ait été placé sur leur chemin, commenta-t-elle.